Raymond Poincaré, Lt au 11e BCA d'Annecy avant-guerre
Au printemps de l'année 1914, le président de la République française Raymond Poincaré s’apprête à visiter les pays de Savoie entre le 8 et le 18 août.
Un programme consistant est arrêté lors d’une conférence réunissant les préfets des départements alpins à l’Elysée le 6 mai 1914 : au cours d’un marathon partant de Nice avec pour destination finale Evian-les-Bains, le président, avec sa suite doivent arriver le 15 août à 14h30 à Annecy, après avoir visité Chambéry la veille. Ses nombreux services (sécurité, valets, agence de presse, etc.) ainsi qu’une cohorte de quarante journalistes doivent être nourris et logés. A 19h30, un dîner sera offert à l’Hôtel de ville par le Conseil général et la municipalité. Le plan de la table est déjà dressé, avec les noms des 135 invités, élus ou représentants de l’administration. Le lendemain, le président sera attendu pour un dîner à Saint-Gervais-les-Bains, une excursion au col de la Voza, avant de monter l’après-midi à Chamonix pour une excursion au Mont Envers. Au retour, un diner au Carlton hôtel de Chamonix offert par les édiles locaux l’attendra. Lundi 17 août, il passera plus rapidement par Thonon-les-Bains, Evian-les-Bains, Annemasse et Saint-Julien-en-Genevois avant de rentrer à Paris.
Mais le 27 juillet 1914, le préfet de Haute-Savoie est averti qu’ « en raison de la situation extérieure et des répercussions qu’elle pourrait avoir sur le voyage des Alpes, il vous serait obligé de veiller à ce que les municipalités […] intéressées n’engagent pas de dépenses pour ce voyage avant que de nouvelles instructions aient pu vous être envoyées à ce sujet ». En effet, Poincaré écourte son voyage diplomatique en Scandinavie fin juillet. Le 1er août, il signe le décret de la mobilisation générale. Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Le chasseur Louis Bobier, incorporé au 11e BCA annécien se souvient : « Le 5 au matin, nous embarquions dans le premier train. Je me rappellerai toujours le défilé à travers la ville. Jamais je n’avais vu une pareille affluence ; au lieu d’aller directement à la gare, on nous fit parcourir les principales rues de la ville nous avions chacun une fleur au canon du fusil, et les rues en étaient jonchées. La ville entière aux fenêtres nous faisait ses adieux. Des gens criaient « vive la France », d’autres « A Berlin » ; certains, pensant à leurs jeunes, partis aussi, ne pouvaient s’empêcher de pleurer en nous voyant partir pour la guerre ».
La préfecture d’Annecy, chargée d’organiser le voyage présidentiel, archive donc le dossier et organise plutôt l’ « état de siège » décrété pour la durée de la guerre, sans savoir qu'elle allait durer près de 1 500 jours...
Par Sébastien Chatillon Calonne, chez Dauphiné Libéré, 2013