Histoire & Mémoire Militaire Alpine

Recherches sur le fait militaire en Savoie (1870 - 1962)

Dans la nuit du 15 août 1943, un bombardier Halifax s’écrase dans la banlieue annécienne

L'équipage du Halifax qui s'est crashé à Meythet.
pilotes Halifax

Durant la Seconde Guerre mondiale, la « Royal Air Force » a dédié deux de ses escadrilles (n° 138 et n° 161) à l’assistance aux groupes de la résistance en relations avec ses services de renseignement, implantées à travers la France occupée.

Ces escadrilles du « Special Duties Squadrons » sont basées dans premier temps à Newmarket puis sur le terrain secret de Tempsford (Comté du Bedfordshire à l’Est de la Grande Bretagne) et volent, entre 1941 et 1944, sur des appareils de type : Lysander, Whitney, Halifax II et V et Stirling V. Le Squadron 138 se spécialise dans le parachutage d’agents et de matériel.

Dans la matinée du samedi 14 août 1943, au pied levé, il est demandé au Squadron 138 d’effectuer une mission de nuit, en urgence, dans le sud-est de la France. Cette mission clandestine est attribuée au commandant « squadron-leader » Frank Griffiths qui rentre lui-même d’un vol nocturne en territoire ennemi. Son équipage habituel est en fin de tour d’opération (trente missions consécutives) et se trouve en permission. Pour cette opération, un nouvel équipage de sept membres est formé par Griffith et se compose ainsi :
- Frank Griffith - pilote et commandant,
- Robert William Peters - officier pilote et radio,
- Sydney John Congdon - navigateur et officier navigant,
- John Maden- dispatcheur – sergent,
- Roderick Alexander Mackenzie - officier navigant bombardier navigateur,
- Frank Pollard - mitrailleur arrière sergent,
- Frederick Ronald Davies - mécanicien sergent.

L’appareil attribué pour la mission de la nuit du 14/15 août 1943 est le Halifax de type b/MK II série 1 Version (Spécial), immatriculé JD 180, code de l’avion - O, code du Squadron - NF. Ce quadrimoteur est une version spéciale adaptée aux missions secrètes de parachutages pour le compte du SOE (Special Operations Executive – Direction des opérations spéciales). Cet Halifax se distingue des autres modèles affectés uniquement aux escadrilles de bombardements par une peinture noire sur tout ou partie du fuselage, par la suppression de la tourelle dorsale afin d’augmenter le volume du fret et un nouveau capotage pour favoriser l’observation durant la navigation.

La première partie de la mission consiste à larguer quinze containers contenant armes, munitions, vêtements, explosifs et billets de banque à un groupe de maquis stationné dans le nord d’Annecy (Haute -Savoie). Le terrain de réception du parachutage se situe au col de Frétallaz (670 m d’altitude) non loin du village de Saint Martin Bellevue en direction de Charvonnex. Dans un deuxième temps, des explosifs doivent être parachutés à des résistants de la région de Modane (Savoie) afin qu’ils fassent sauter le tunnel ferroviaire France/Italie. Un stock de tracts sont emportées afin qu’elles soient larguées lors des passages à basse altitude.

Le Halifax NF-O décolle de Tempsford à 21h 40.

« …Avant le décollage, j’ai été avisé que notre route serait la même que celle suivie par la force principale de bombardement qui, cette nuit, avec 900 appareils, va attaquer Milan…[1] »

L’appareil britannique aborde le continent à la verticale de Cabourg (Calvados). Son vol s’effectue dans de mauvaises conditions météo qui l’obligent à voler dans les nuages de 2 000 m à 1 200 m d’altitude. En fin de parcours, les nuages commencent à se dissiper.

« …la couche nuageuse se disloque maintenant rapidement et je n’ai aucun problème pour me glisser, avec une bonne centaine de mètres de marge, par-dessus les collines pour atteindre la vallée du Rhône. Lorsque nous arrivons près d’Annecy, les nuages se sont complètement dispersés et les conditions météorologiques sont idéales pour l’opération de parachutage… »[2]

Il est environ une heure du matin ce dimanche 15 août 1943 alors que l’appareil britannique, volant à très basse altitude, est en quête, dans la région d’Annecy, de sa zone de parachutage. Après dix minutes de recherches infructueuses il est décidé de larguer, au-dessus de la ville, un stock de tracts et de rependre de la hauteur en direction du nord pour une nouvelle lecture de carte.

  « …j’aperçois la voie ferrée, je la suis. L’avion vient à peine de dépasser les dernières maisons quand il tire soudain à gauche et je remarque que la couleur des gaz d’échappement du moteur extérieur gauche devient blanche puis disparaît… »[3]

À cet instant, la situation de l’Halifax NF-O devient préoccupante. L’appareil se trouve en territoire ennemi, de nuit, à basse altitude, au-dessus d’une ville et d’une campagne vallonnée entourée de montagnes avec un de ses moteurs gauche en « croix » !

« Le premier moteur a été coupé par le mécanicien navigant à la suite d’une fuite du liquide de refroidissement et en voulant le relancer, ce dernier a coupé le second moteur… »

« …je me dirige quand même vers le lac au cas où ne pourrions pas éviter un atterrissage forcé… ».[4]

Un nouveau problème surgit : le deuxième moteur gauche donne des signes de faiblesses. Bientôt l’appareil ne vole plus que sur ses deux moteurs droits.

« ...Avec deux moteurs sur quatre, l’avion n’a pas pu remonter, Griffith [pilote] a mis la surpuissance d’où la sortie des flammes sur les deux moteurs valides (les témoins au sol ont cru voir un avion en feu) puis il a fait relancer les moteurs arrêtés mais c’était trop tard… »

Le mastodonte me met en virage à gauche et perd rapidement de l’altitude. Pour alléger l’avion, les containers sont largués et l’on tente d’alimenter en carburant les moteurs déficients afin de les relancer.

Vers 01h 20, à plus de 100 km/h l’Halifax accroche le sommet des arbres puis s’écrase sur trois bâtiments de la commune de Meythet au lieu-dit le pont de Meythet. Le carburant de l’appareil s’enflamme ; ses munitions explosent communicant l’incendie aux maisons du voisinage.

« …L’appareil volant légèrement en biais a perdu un moteur sur la villa Saint Henri puis s’est couché sur la maison Rey Grange en se brisant en deux au niveau du poste de pilotage, catapultant Griffith avec son siège… »

La fin tragique de cette mission se solde par la mort de six membres de l’équipage du bombardier britannique et le décès de cinq civils tués dans leur maison.

Lors du crash le Squadron-leader Frank Griffiths est miraculeusement éjecté vivant de son poste de pilotage ; bien que grièvement blessé, il est récupéré par des habitants de Meythet qui vont le confier aux soins de la résistance et sera exfiltré de France. Il arrive le 29 octobre 1943 en Espagne et atteint Gibraltar à la fin novembre 1943.

 

[1] ANTOINE Claude, Crash à Meythet- 15 Août 1943 – Un bombardier britannique s’écrase au pont de Tasset, Cran-Gevrier, Concept Press, 1994, p. 12.

Dans cet ouvrage, l’auteur fournit en 230 pages des informations techniques très détaillées sur ce crash et explique comment le pilote Frank Griffiths, unique survivant, a pu être exfiltré de la Haute-Savoie, alors occupée par l’armée italienne.

[2] Ibid., p. 18.

[3] Ibid., p. 23.

[4] Ibid., p. 25.

 

Par Par Yves Domange, août 2022

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