Histoire & Mémoire Militaire Alpine

Recherches sur le fait militaire en Savoie (1870 - 1962)

Des fêtes de fin d'année... dans les tranchées (1914-1918)

Carte postale d'époque souhaitant un
Carte postale d'époque souhaitant un "Bon Noël"

Les combattants de la Grande Guerre ont passé quatre hivers dans les tranchées. Les fêtes de Noël et du jour de l'An sont donc vécues avec plus ou moins de bonheur par le soldats séparés de leur famille ; les poilus savoyards témoignent.

L'absence au foyer famille pèse terriblement aux soldats, encore très attachés aux traditions. le chasseur au 51e BCA Emile Bron, de Massongy, écrit à sa femme Aimée depuis la Somme le jour du réveillon de Noël 1914 : « Je t’assure que je n’aurai jamais cru être là à cette époque ». Le chasseur Ernest Jacquier d’Anthy-sur-Léman écrit de son côté en décembre 1915 : « La  nouvelle année s’approche quand même et toujours en guerre. » L’Annécien Claudius Gallet, lui, note laconiquement le 25 décembre 1914 dans son carnet de guerre : « Les fêtes sont tristes loin des mères ».

La solidarité se met alors en place dès le premier hiver du conflit. Par exemple, l’association annécienne « Soldats du front – Poilus annéciens nécessiteux » créée en octobre 1914 par le maire de la commune Joseph Blanc propose d’envoyer à chaque mobilisé annécien des vêtements chauds et d’un mandat de 5 francs à l’occasion des fêtes de Noël. Cette somme doit permettre aux soldats de s’offrir sur place de petites fantaisies pour passer ces fêtes de manière moins rigoureuses entre camarades. Pour s’assurer de la bonne réception de ces envois, il est joint une carte à retourner pour remerciements. Pour cela, l’œuvre a collecté environ 2 500 F. et des dons en nature. Ainsi, 351 paquets individuels renfermant chacun un chandail, des chaussettes, des gants de laine, un passe-montagne, une chemise, un caleçon, une ceinture de flanelle, du savon, du chocolat et du tabac sont envoyés par des dames bénévoles sur le front. Face à ce succès, l’opération est reconduite chaque hiver. A la Noël 1915, le soldat F. C. remercie chaudement le maire au nom de ses camarades de la classe 1916 de son régiment : « Je tiens à remercier de tout mon cœur mes compatriotes d’Annecy de la belle initiative qu’ils ont eue en notre faveur. J’ai reçu le mandat-poste, qui, croyez-moi, m’a fait grand plaisir, bien plus encore parce que je vois que la population annécienne pense à ses Poilus. »

Les jours de fête, l’intendance militaire fait aussi un effort concernant la qualité de l’ordinaire. Le chasseur Bobier (11e BCA) note pour le réveillon de 1915 : « L’ordinaire fut quelque peu amélioré : nous eûmes chacun une orange, du chocolat, un quart de vin et en plus une bouteille de Champagne pour quatre. Ce fût une petite fête » ; mais, les effets de l’alcool se font sentir : « Ce premier jour de l’an fut bien arrosé, trop même pour certains. Je fus obligé de prendre la garde la moitié de la nuit en attendant que le reste de l’escouade – qui dormait à poings fermés – ait les idées assez nettes pour prendre la garde et que nous puissions compter sur eux » regrette Bobier lors du nouvel an 1917.

Les « poilus » passent donc les fêtes au front, parfois même avec l’ennemi, par exemple lors de fraternisation typiques de l’hiver 1914. Le canonnier Ernest Duborgel d'Anthy/Léman détaille un tel événement le 25 décembre 1914 dans le Nord : «  Hier soir, les deux tranchées faisaient bombance et ce matin, les Bavarois ayant averti les nôtres que leur relève était faite par des Prussiens, les biffins se sont tranquillement retournés chez eux. Tu ne voudras peut-être pas me croire !? Eh bien ! C’est la vérité. » Malgré tout, certains combattants ne supportent pas l’idée d’être loin des leurs durant l’hiver ; certains désertent, comme le relate le fantassin Marius Perroud, de Sillingy : « J’ai rencontré en arrivant à Reillon (Lorraine) L., le coiffeur. Il revenait des tranchées et partait en permission. C’était le jour de Noël 1915. Cet homme était couvert de boue à le rendre méconnaissable. Il n’a pas voulu se nettoyer, il a voulu faire voir à ceux de l’arrière le plaisir des tranchées en hiver. Il m’a dit aussi que c’était la première et la dernière fois qu’il allait en permission et qu’il ne reviendrait pas. »

Par Sébastien Chatillon Calonne

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