Édouard François Peccoud, dit « Quino » est un résistant haut-savoyard qui a joué un rôle crucial pendant la Seconde Guerre mondiale. Artisan de la reddition des francs-gardes de la milice d’Annecy, il est né le 30 septembre 1907 à Annecy, de Joseph François Peccoud et Marthe Antoinette Grandadan.
Fin 1942, après la dissolution de l’Armée d’armistice, il participe au détournement d’armes du 27e BCA, notamment dans la cache de la grotte de l’Adiau, dans le massif du Parmelan. Cet artisan, entrepreneur annécien âgé de 35 ans, devient l’un des premiers responsables actifs de l’Armée Secrète (A.S.) du département. En 1943, le commandant Jean Valette D’Osia, chef de l’A.S., le nomme à la tête du secteur de Rumilly. Peccoud-Quino est donc chargé de coordonner les activités de la résistance armée gaullistes dans ce territoire. Après le crash d’un bombardier Halifax anglais à Meythet le 15 août 1943, Peccoud prend part à la prise en charge du seul rescapé : le pilote Griffiths est alors acheminé vers la Suisse. Le 20 novembre 1943, il fait partie de l’équipe qui sabote l’usine de roulements à billes SRO (futur SNR) d’Annecy.
Il assure aussi toutes les actions militaires dans son secteur jusqu’au 22 juillet 1944, date à laquelle il est arrêté à Rumilly par la Milice française, alors qu’il descendait de la réunion préparatoire du parachutage des Glières prévu le 1er août. Son arrestation a lieu avec une quinzaine de camarades, dont quelques Francs-Tireurs Partisans (FTP), l’autre composante de la résistance armée, plutôt d’obédience communiste. Il est remplacé à la tête de son secteur par Lucien Mégevand, dit « Pan Pan », un autre combattant valeureux de l’A.S.
Édouard Peccoud est alors incarcéré à la commanderie des Marquisats à Annecy, devenue siège de la Milice départementale. À la suite d’une première nuit et une journée très calme, survient le moment de son premier interrogatoire. Il croit sa dernière heure arrivée, ayant été reconnu par des connaissances et d’anciens camarades devenus miliciens. Il comprend que la partie sera serrée car les menaces pleuvent sur lui sans arrêt. Il subit trois interrogatoires de trois à quatre heures chacun ; durant le dernier d’entre eux, on lui donne cinq minutes pour parler en menaçant de le fusiller s’il ne parle pas. À l’heure dite, on lui met un révolver sur l’oreille et il croit sa dernière heure arrivée. Mais… rien !
Puis un jour vint où le chef de la Milice l’avertit que les Allemands ont vent de son arrestation et le réclament pour l’interroger. Au cours d’une discussion entre eux, les chefs miliciens décident de ne pas le remettre à l’occupant, mais l’un de ceux-ci lui fait comprendre qu’ils attendent quelque chose de lui en échange…
Deux jours après, Quino et ses camarades sont saisis de terreur à l'écoute de coups de feu provenant d'Albigny. Plus tard dans l'après-midi, des soldats allemands armés se présentent au quartier général de la Milice, exigeant des otages en représailles à la mort d'un officier allemand survenue sur un barrage de contrôle. Un autre jour, au retour d'une mission, les miliciens reviennent avec des pertes, ce qui les endurcit et les pousse à être plus violents envers les prisonniers, évoquant même des exécutions massives. L'angoisse règne chez les captifs, accentuée par le manque de nouvelles extérieures. Cependant, l'arrivée d'un nouveau prisonnier aux Marquisats apporte des informations détaillées sur les événements aux alentours de la ville, notamment l'imminence d'une attaque par les forces du maquis. Un sentiment d'espoir renaît alors en cette mi-août 19444.
Le moment tant attendu survient enfin, où la situation semble s'améliorer. Peccoud est convié par les chefs miliciens, dont Chambaz, à une rencontre amicale. Le récit de la reddition par Edouard Peccoud constitue un témoignage remarquable de ces événements cruciaux :
« … Aussitôt installé, le chef fait partir les gardes et je reste en tête en tête avec lui. Il m’offre un verre en me disant que je pourrais en avoir besoin. Au bout de 10 à 15 minutes, il est décidé à me parler franchement et je compris aussitôt qu’il n’était pas question de moi. Il m'expliqua qu'il me convoquait pour me demander s'il ne serait pas possible de sauvegarder et de garantir la vie des femmes et des enfants [des miliciens]. Je pris l'engagement aussitôt et lui proposais de faire porter une lettre à mon chef, pour lui expliquer l'engagement, que je venais de prendre. Il se ravisa et me jura, qu'il ne mettait pas ma parole en doute, mais qu'il craignait que les F.T.P. ne suivent, en rien, cet engagement. Il me demanda si je connaissais ceux-ci. Je lui répondis que oui et que j'étais capable de leur faire entendre raison, si je pouvais aller les voir. Chambaz fait alors la proposition suivante :
– Si je vous donne deux heures de liberté, rentrerez-vous, même si vous devez être fusillé ? »
Peccoud-Quino donne sa parole et, peu avant 20 heures, il « respire l'air de la liberté, sans veste, ni papiers », les miliciens craignant qu'il ne se fasse reprendre par les Allemands, ce qui anéantirait leur plan.
« Très rapidement, je me dirigeai du côté de Sevrier où j’étais sûr de trouver des amis, au bout de quelques kilomètres, je tombais sur un barrage de maquisards et demandais à rencontrer le chef de secteur de Faverges (Milo). Là, j’ai fait parvenir au Chef Départemental, mes premières instructions sur les négociations que j’avais entreprises avec les membres de la milice.
Le temps passait. Je retournais vers les miliciens, et à 22 heures, je les mis au courant des explications que j'avais eues et lui confirmais les engagements pris. Je discutais longuement avec le chef de la milice.
À 23 h 50, je lui proposais de venir avec moi accompagné de 2 chefs adjoints. Départ en voiture pour Saint Jorioz …
À 1 h 00 du matin, rencontre avec les responsables du Maquis présents (Milo et Raymond, le chef du corps-franc départemental). Discussions animées, les miliciens inquiets demandaient : « Qu’allez faire de nous » ! Nous leurs fîmes la promesse de les considérer comme des prisonniers, et cela jusqu’à leur jugement ne pouvant leur promettre davantage.
À 2 h 30, accompagné du CFD Raymond, nous rentrons au siège de la Milice, nous demandons la libération de tous les prisonniers, c’est ce qui fût fait, puis nous discutons avec tout le groupe des miliciens afin de leur faire comprendre les décisions prises.
À 5 heures du matin, nous leur demandons de chauffer les camions et toutes les voitures disponibles, nous donnons l’ordre à tous de se préparer pour le départ avec armes et bagages individuels. Le temps pressait, nous avions toujours peur de voir arriver les Allemands.
Le convoi chargé de matériels et des miliciens prisonniers, nous priment la direction de Faverges.
Vous jugerez de la surprise des gens le long de la route, personne ne comprenait rien, mais déjà il nous fallut intervenir avec force car les jeunes du maquis en les voyant les mettaient en joue et la population qui avait eu à subir des sévices de leur part essayaient de les maltraiter.
Nous continuons la route par le Col des Esserieux et nous passons à Thônes pour prendre ensuite la direction du Grand Bornand. Le Lieutenant Raymond mobilisa le groupe de l’AS local et tous les prisonniers seront gardés dans la salle des fêtes du village.
Mon rôle était terminé, et à 16 heures, une voiture envoyée d’Annecy nous apprenait la reddition de la garnison allemande de la ville d’Annecy. »
C’est ainsi que le capitaine F.F.I. Quino réussit le tour de force de convaincre la centaine de francs-gardes de la Milice de se rendre dans la nuit du 18 août au 19 août 1944. La reddition de la Milice servira grandement la libération de la ville d’Annecy.
Édouard Peccoud a été fait Chevalier de la légion d’honneur, et reçu la médaille de la Résistance. Il décède le 20 décembre 1969, à Annecy. Il était marié à Denise Rosine Champon et tous deux habitaient, route de Vignières, à Annecy-le-Vieux. Ils ont eu la douleur de perdre leur fils Francis Peccoud qui est « Mort pour la France » en Indochine en août 1950.
Par Lucas Palacio et Gabriel Lopez, élèves de terminale 6 du Lycée Baudelaire (Annecy) sous l'égide de leur professeur S. Chatillon Calonne., 2024