Histoire & Mémoire Militaire Alpine

Recherches sur le fait militaire en Savoie (1870 - 1962)

La Section de l’Armée Secrète d'Albens en Savoie (1943-1945)

Hommage à la section AS d'Albens
Hommage à la section AS d'Albens

Il y a près de 80 ans, en 1943, le maquis FTP de Dressy puis de Cessens constituait le seul mouvement de Résistance du Canton d'Albens, et son chef sera tué dans une embuscade en Haute-Savoie. Mais à l'automne, des instituteurs, monsieur et madame André Dupouy, réfugiés de Modane, ville sinistrée par les bombardements du mois de septembre, vinrent enseigner à Albens. Né à Auxerre, André Dupouy était arrivé en Savoie en 1939 à la sortie de l'école de Saint-Maixant. Affecté comme aspirant au 71e Bataillon Alpin de Forteresse à Modane, il ne sera démobilisé qu'à la fin de l’année 1941 au 13e BCA de Chambéry. Instituteur par la suite, il va, à Albens, rencontrer un autre patriote, Emile Montillet, épicier au village et tous deux vont constituer une section de l'Armée Secrète, mouvement de la Résistance, que Jean Moulin avait unifiée avant son arrestation et sa mort. Emile Montillet avait recruté dans sa famille, son frère Francis, ses cousins Armand et Robert Montillet. Ce dernier à son tour, développa le mouvement au sein de l'équipe de basket dont il était l'animateur. Et les entrainements sous le préau de l'école de garçons se transformaient ensuite en réunion pour l'information sur la situation et les instructions. La section AS d'Albens dépendait de la compagnie de Rumilly. L'armement était dérisoire : quelques vieux fusils Lebel de la Grande Guerre et pistolets de la même époque.

 Dès le débarquement allié du 15 août en Provence, le feu vert était donné pour un action et le groupe s'est retrouvé, bien démuni, dans une ferme abandonnée au-dessus de Bloye. Néanmoins, le 19, Rumilly était libérée, et le lendemain l'AS occupait Albens, où une très importante réunion allait se tenir dans une classe de l'école. Les dirigeants de l'AS et des FTP (citons le Commandant Godard, le Capitaine Vailly et Peccoud et pour Aix-les-Bains le Commandant Casalta et les Capitaines Perriod et Martin), vont décider avec le groupe des Bauges de la stratégie pour attaquer et libérer Aix-les-Bains de l'occupant allemand. Pour attaquer, il faut des armes.  Grâce au camion à gazogène d'Auguste Raisin, d’Albens, Emile et Francis Montillet ainsi que Bauquis, Margara, Perroud et Robert vont aller récupérer au Grand Bornand les armes parachutées le 5 août aux Glières. Elles leur seront remises par un officier FFI. Le retour, non sans risques, se fait au petit matin par les Creuses : des armes anglaises (fusils Enfield, mitraillettes Sten et surtout trois fusils mitrailleurs), sont en partie remises au groupe de Rumilly.                                                                     

L'attaque sera alors lancée sur Aix, appuyée par des déserteurs polonais de l'armée allemande et leurs deux canons de 77 emportés avec eux. Après la libération d'Aix, une équipe ira à Chambéry pour récupérer des uniformes kaki destinés à l’origine aux Chantiers de jeunesse, et c'est dans cette tenue digne d'une unité constituée que le groupe d'Albens participera à Rumilly  au défilé de la libération de la ville. Puis, par Annecy et les Bauges, le groupe AS et d'autres se retrouvent à Saint-Pierre-d'Albigny pour la poursuite des Allemands vers la Maurienne. Les combats avec la 97e Panzer division (dite de l'Afrika Korps) se solderont par la perte de trois hommes de Rumilly et une dizaine de blessés. L'armement est insuffisant pour persévérer et il faut attendre un détachement de l'armée américaine, deux jours plus tard, pour rompre le barrage et poursuivre l’action. Le groupe sera alors relevé par l'AS de Chambéry. Dans son récit publié par une association d'histoire, le Commandant de réserve André Dupouy, décédé depuis, écrira très modestement : « Certes, nous n'avons pas accompli de grands exploits militaires. Nous avons simplement fait notre devoir et nous en sommes fiers. » Suivaient les noms des hommes de sa section de l'Armée Secrète, tous d 'Albens et quelques-uns de Lornay.                                                                     

Les plus jeunes vont alors s'engager dans les unités alpines, 13e et 27e et BCA, dans la 1ère armée De Lattre et l'un d'eux dans la Marine. Quant à Emile Montillet, il deviendra le Maire d'Albens de la libération. André Dupouy retrouvera ses fonctions d'enseignant et prendra sa retraite à Aix-les-Bains comme adjoint au principal du collège. Cet homme cultivé créera l'ensemble vocal, participera aux sociétés savantes, de Maurienne notamment, et écrira plusieurs livres qui sont autant de témoignages pour l'Histoire. La mémoire de ces combattants de l'ombre qui ont sauvé l'honneur d'une ville et d'un canton méritait d’être rappelée.

 

Par Henri Billiez  (initialement paru en 2013 dans la revue Kronos n° 19)

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