Histoire & Mémoire Militaire Alpine

Recherches sur le fait militaire en Savoie (1870 - 1962)

Le premier crash connu d’un hélicoptère militaire dans le massif du Mont-Blanc

Maquette du FA 223
Maquette du FA 223

L’hélicoptère (1), de nos jours, est devenu un moyen banal pour se rendre rapidement dans des régions accidentées. Il n’en a pas toujours été ainsi. Cet aéronef a vraiment conquis sa place dans le monde de l’aéronautique que depuis les années cinquante. Il est né à la même époque que l’avion mais s’est développé bien plus lentement. Sa construction demandant une haute technologie et son pilotage sensible en font, même de nos jours, qu’il peut être victime d’incidents ou d’accidents assez fréquents.

Au début du XXe siècle, Jules Cornu et son fils Paul sont connus en Normandie pour être des réparateurs de vélos et de machines à coudre. Au-delà de leur activité professionnelle, les Cornu père et fils inventent et développent diverses machines : vélo à moteur, pendule thermique, motocyclette, voiturette à moteurs double. À vingt-quatre ans, Paul Cornu se passionne pour les « choses de l’air » et tout spécialement pour le vol vertical.

La naissance, en Normandie, du premier hélicoptère

C’est le 13 novembre 1907, dans les environs de Lisieux, que le premier vol libre d’un hélicoptère est réalisé. À ses commandes, son concepteur : Paul Cornu (1881-1944) réussit à faire décoller, avec un moteur Antoinette 8, son aéronef de 350 Kg à la verticale d’une hauteur de 1,5 m pour une durée de trente secondes : un exploit ! Il faut attendre plus de vingt-cinq années pour qu’un nouvel appareil plus moderne apparaisse en France. En 1933, un hélicoptère totalement contrôlable en vol est mis au point par Louis Charles Breguet et René Dorand : le Breguet-Dorand Gyroplane-Laboratoire. En France, aucune suite n’est donnée à cette nouvelle avancée technologique. Entre temps, le monde de l’aéronautique se passionne pour l’autogire (2) ou gyrocoptère inventé par l’espagnol Juan de La Cierva. Ce nouveau type d’aéronef prendra son plein essor, tant en France qu’aux USA, en 1930. En Allemagne, tout en s’intéressant à l’autogire, on développe de nouveaux prototypes d’hélicoptères.

L’apparition des hélicoptères allemands

Depuis 1932, l’allemand Henrich Focke effectue des recherches sur le vol vertical et en particulier sur la mise au point d’un futur hélicoptère. En 1935/1936 il sort deux prototypes portant le nom de FW 61. Cet hélicoptère devient le premier appareil fonctionnel destiné au transport avec une charge utile de 700 kg. En 1937, le FW 61ou Fa 61 pulvérise les records mondiaux d’altitude, de durée de vol, de vitesse et de distance. Rapidement, l’état allemand passe une commande de quarante de ces appareils à la société d’Henrich Focke. Les recherches progressent rapidement. En 1939, à partir de l’évolution d’un FW 61 ou Fa 61, la nouvelle société Focke-Achgelis fait voler le nouveau prototype le Fa 223 V1 qui remporte tous les records de vol (non homologué pour fait de guerre). Il sera le premier hélicoptère au monde à faire l’objet d’une production en série.

L’arrivée du Focke-Achgelis Fa 223 Drachen (Dragon)

Au mois de mai 1940, onze prototypes de cet appareil sont produits afin de procéder aux mises au point des diverses versions. Devant les bonnes performances de l’hélicoptère les autorités décident de produire 400 machines /mois. En réalité seule une quarantaine sortiront des chaines de production, dont seulement 20 seront rendus opérationnels en 1942. Le Fa 223 est équipé, alors d’une technologie avant-gardiste : présence d’un plateau cyclique (très moderne) qui commande chacune des pâles individuellement des deux rotors côte à côte contrarotatif latéraux, treuil électrique pour le fret, réservoir auxiliaire largable de 300 litres etc.

NB : Après la guerre, la France récupérera un Fa 223 qui lui permettra de construire en 1948 le prototype d’un hélicoptère de transport de passagers, le SE 3000 ouvrant la voie à la fabrication d’hélicoptères français.

Caractéristiques sommaires du Fa 223 :

Vitesse de croisière à 2 000 m : 134 km/h

Distance franchissable : 700 km avec réservoir auxiliaire

Charge utile : 1 280 kg

Équipage : 2 - pilote et observateur.

La perte d’un Fa 223 Drachen dans le massif du Mont-Blanc durant la Seconde guerre mondiale :

« Au sein du 40e escadron de transport [de la Luftwaffe] … un appareil est perdu lors d’une mission de sauvetage au-dessus du Mont-blanc ».

C’est en ces termes que cet accident d’hélicoptère, durant la seconde guerre mondiale, est mentionné dans Wikipédia à la rubrique : Focke-Achgelis Fa 223- Drachen.

Une autre version plus détaillée est fournie par des historiens de l’aviation durant la deuxième moitié du vingtième siècle :

"Durant l’hiver 1944, un Fa 223 Drache (dragon) de l’armée allemande se crashe dans le massif du Mont Blanc. Cet accident survient en Haute Savoie lors d’une opération de sauvetage d’une colonne de jeunes français appartenant aux chantiers de Jeunesse Montagne, disparue dans une coulée de neige ou d’avalanche. Le Fa 223 semble avoir été victime du mauvais temps. L’épave aurait été récupérée par les allemands au printemps 1944 et conduite à Lyon-Bron où elle aurait été aperçue puis aurait disparue avant la fin de la guerre. Ce Fa 223, V 12 douzième de la série, semble avoir été le premier hélicoptère de transport participant à une opération de sauvetage en montagne ?" 

Une troisième version de cet accident, plus crédible selon nous, est avancée par le très sérieux Cercle-aéronautique-Louis Mouillard :

"Le [samedi] 4 décembre 1943 vers 13h 45, l'hélicoptère allemand de type Focke-Achgelis Fa 223 Drache n° 12, codé DM+SP, s'écrase au sol à proximité du sanatorium Martel de Janville (3) sur le plateau d'Assy, près de Passy en Haute-Savoie. Dans les débris de l’appareil on retire deux corps sans vies, le lieutenant Brennecke et son observateur. Les causes de l'accident seraient dues à la rupture d'une biellette de commande de pas du rotor."  

La présence de cet hélicoptère allemand dans cette région reste inexpliquée. Toutefois, l'appareil pouvait se diriger, pour expérimentation, vers le Centre d'Essais du Mont Lachat non loin du col de Volza au-dessus de Saint Gervais. Selon certaines sources, il assurait le convoyage, pour essai, d’un propulseur de V2 qui à cette époque connaissait de sérieuses difficultés en altitude.

Commentaires du rédacteur :

-La date du 4 décembre 1943, nous semble plus probable que celle de l’année 1944.

-Sur ce genre d’aéronef, un accident dû à une rupture de biellette était et est relativement fréquent.

-Au-delà des problèmes techniques susmentionnés, on peut aussi avancer les problèmes météorologiques liés à l’altitude que pouvait rencontrer l’aéronef (givrage, vents d’altitude, turbulences, etc.)

Lieu de crash du Drachen

Il semblerait que le Fa 223 se soit écrasé sur le plateau d’Assy allant ou venant vers le/du col de Voza (1654 m) non loin du Mont Lachat (4) (Haute Savoie) Ce centre n’est pas très éloigné de la voie ferrée du tramway du Mont-Blanc reliant Saint Gervais-les- Bains au Nid d’Aigle via le col de Voza.

On peut supposer que l’hélicoptère se rendait ou revenait de la station d’essais des moteurs du Mont Lachat, le centre étant aux mains des ingénieurs allemands.

Il est à remarquer qu’en 1937, la SNCM – Société Nationale de Construction de Moteurs d’aviation avait créé la station d’essais des moteurs du Mont Lachat au-dessus de Saint Gervais-les-Bains (Haute Savoie). En 1939/1940, le centre prend le nom de Laboratoire du Mont Lachat chargé de l’étude du givre sur les aéronefs et du fonctionnement des moteurs en altitude (bancs d’essai et soufflerie). Les expérimentations motrices se pratiquaient l’hiver.


1 : Hélicoptère est un aéronef dont la sustentation et la propulsion sont assurées par une voilure tournante appelée rotor et entrainée par un ou des moteurs.

2 : Autogire ou autogyre est un aéronef à voilure tournante libre assurant la sustentation mais dont la propulsion est assurée par une hélice entrainée par un moteur.

3 : À la suite d’un don de la Comtesse de Martel, l’ancien bâtiment du sanatorium avait été commandé par le ministère de la guerre en 1932 et inauguré en 1937. Il était jadis réservé aux officiers et sous-officiers de l’armée française.

4 : Mont Lachat – 2113 m

Par Yves Domange

Informations communiquées aimablement par le Cercle-aéronautique-Louis Mouillard que nous remercions.

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