L'hôpital auxiliaire n°16 de la SSBM d'Annemasse délocalisé à Aix-les-Bains (International Hôtel)
Alors que la Grande Guerre éclate en Europe, la Suisse se déclare neutre le 4 août 1914. Toutefois, elle rappelle - comme en 1870 - ses droits militaires sur la zone neutralisée qui couvre la Savoie du Nord depuis 1815 afin de la protéger. Même si la France n’est pas prête à accepter par fierté nationale une invasion suisse, elle reste prudente pour ne pas heurter son respectable voisin. Alors qu’un premier convoi de 157 blessés arrive à Annecy le 24 août 1914, le gouverneur militaire de Lyon annonce écrit dès le 27 août au préfet de la Haute-Savoie : « Veuillez surseoir pour motifs diplomatiques à organisation hospitalisation blessés dans zone de Savoie neutralisée ». Le député du genevois Fernand David saisit à ce sujet le gouvernement français réfugié à Bordeaux qui lui répond que « le Conseil des ministres décida que la souveraineté de la France sur notre territoire était entière ».
Puis le gouvernement se ravise car la Suisse accepte les blessés en zone neutralisée « à condition que les hôpitaux fussent inspectés par des médecins militaires de l’armée suisse ». Demande intolérable pour la France, les négociations sont rompues mais l’envoi de blessés cesse. Les 157 blessés déjà sur place sont alors considérés comme internés et ne peuvent quitter la zone ! Les sept hôpitaux des comités de la Croix-Rouge prévus en zone neutralisée doivent alors déménager. Il naît donc chez les Savoyards un certain ressentiment envers la Suisse. Une affiche placardée dans diverses villes savoyardes clame « La Suisse vendue à L’Allemagne », ce que Berne dément : « Il s’est répandu dans le département de la Haute-Savoie des bruits inexacts sur la question de l’hospitalisation des blessés dans le territoire neutralisé. Nous pouvons déclarer que le Conseil fédéral n’a jamais fait d’objection à l’hospitalisation des blessés en Savoie ; si une décision a été prise à cet égard, elle a dû l’être par les autorités françaises compétentes. »
En mars 1915, le ministre de la Guerre Alexandre Millerand annonce : « Je vais faire cesser cette plaisanterie », car le Conseil fédéral helvétique n’a en réalité pas fait de nouvelles objections à l’hospitalisation des blessés en zone neutralisée. Le gouverneur militaire de Lyon avoue : « Les interdictions signalées s’étaient produites à la suite d’une interprétation erronée des instructions données au sujet de l’envoi des blessés et malades dans les formations sanitaires de la zone neutralisée ». L’interdiction du gouvernement de soigner les blessés est enfin levée en avril 1915. En effet, la Suisse n’a élevé aucune protestation officielle : bienveillante, elle tolère les hôpitaux militaires et le retour des permissionnaires haut-savoyards chez eux, ainsi que de nombreux autres accrocs aux traités de 1815 et 1860.
Par Sébastien Chatillon Calonne