René Germain, marsouin au 5e RIC puis au prestigieux RICM.
Parmi les 135 000 combattants savoyards mobilisés dans les deux départements durant la Grande Guerre, la plupart sont restés anonymes et silencieux. Et pourtant, parmi eux, certains s'illustrent par un parcours militaire peu commun. C'est le cas du marsouin René Germain, dont le descendant a retrouvé et publié les carnets de guerre en 2007.
Né en 1895 à Thonon-les-Bains, fils d’institutrice, René Germain est étudiant en droit lorsque la Grande Guerre éclate. Sa mère l’ayant empêché de s’engager comme volontaire en août 1914, il est levé avec sa classe en décembre 1914 pour intégrer le 5e régiment d’infanterie coloniale à Lyon. Après une période d’instruction de sept mois au camp de la Valbonne (Ain) il monte au front en juillet 1915, dans la forêt d’Argonne.
Il subit ici la guerre des mines, patauge dans la boue et, vu l'entrain dont il fait alors preuve, il sera nommé caporal. En août, son unité est transférée en Champagne. Son régiment participe à la terrible et inutile offensive du 25 septembre 1915, puis part se reposer dans l’Oise. Nommé sergent, Germain profite de sa première permission pour retrouver sa mère à Thonon en décembre 1915. Puis il monte dans la Somme pour effectuer des manœuvres et consolider des fortifications. Blessé en mai 1916, il est opéré et soigné à l’hôpital militaire de Rennes durant six semaines. Une fois rétabli, il parvient à intégrer l’école militaire de Joinville-le-Pont en septembre 1916. Durant cinq mois, toujours avec le même entrain, il suit une formation ardue et en ressort en février 1917 avec le grade d’aspirant.
Après un stage de perfectionnement comme mitrailleur, il remonte au front pour être affecté en mai 1917 au prestigieux Régiment d'Infanterie Coloniale du Maroc (RICM). En juin, sur le Chemin des Dames, il subit quelques attaques allemandes au cours desquelles il est de nouveau blessé. Mais il refuse d'être évacué, ce qui lui vaut sa première citation. Les rumeurs qu’il entend au sujet des mutineries agitant ce secteur l’effraient. Au repos en juillet 1917 en Champagne, il obtient le grade de sous-lieutenant et bénéficie d'une deuxième permission. À son retour, son unité apprend à manœuvrer dans l’Oise avec les premiers chars d’assaut. Puis il participe à l’offensive victorieuse près du fort de la Malmaison – lancée le 23 octobre 1917 – ce qui lui vaut sa deuxième citation. Le RICM se repose ensuite en Champagne et Germain prend sa troisième permission.
En novembre, il se voit confier le commandement d'une batterie de canons d'infanterie modèle 1916, ces canons légers de soutien de 37 mm à tir rapide. Le renforcement du front est effectué en prévision d’une prochaine offensive ennemie. Effectivement, le 25 mars 1918, le RICM est transféré d’urgence dans l’Oise pour colmater la brèche creusée par la puissante offensive allemande du 21 mars. Le 31 mars, il joue un rôle décisif pour briser une attaque ennemie. Ce jour-là, l'action énergique de Germain à la tête de ses "crapouillots" lui permet d'obtenir une troisième citation. Il retourne en Champagne en avril, mais attrape la grippe espagnole et doit être évacué à Toulouse pour y être soigné. C’est d’ailleurs là qu’il rencontre sa future épouse en la personne de son infirmière. Il échappe donc aux autres offensives allemandes du premier semestre 1918 pour ne revenir qu’en août dans son dépôt divisionnaire en forêt de Compiègne.
L’entraînement terminé, il monte en Champagne pour participer à l’offensive générale du 26 septembre 1918. Il prend la butte du Mesnil, en liaison avec les Américains, et reçoit une quatrième citation. Début octobre, son régiment se repose et s’entraîne en Argonne. Le 22, il se lance dans la difficile reconquête des défilés d’Argonne, avant de se reposer en Alsace. Mais en novembre, la grippe espagnole est de retour et Germain est à nouveau touché. Il est soigné à l’hôpital militaire d’Épinal. C’est là qu’il apprend la signature de l’armistice du 11 novembre. Il rejoint le RICM à Mulhouse, visite la région libérée et participe aux fêtes de la victoire. Son unité faisant partie des forces d’occupation à Mayence en janvier 1919, il découvre les mœurs allemandes. Son hostilité initiale cède la place à une curiosité mêlée de fascination pour la culture de l'ex-ennemi. Il est promu lieutenant en février par l’armée qui souhaite le garder, mais les tâches administratives qui lui sont confiées l’ennuient.
À vingt-quatre ans, couvert de décorations et de blessures, il met fin à sa carrière militaire en démissionnant en juin 1919. Il échappe ainsi de peu à une mutation en Indochine. Il fonde alors une famille et devient fonctionnaire des impôts, notant dans ses mémoires : « Aucune journée n’aura l’éclat d’un seul de ces jours de souffrance et de tonnerre ».
Source : René Germain, Il revint immortel de la grande bataille : Carnets de guerre 1914-1919, Ed. Italiques, 2007.
Par Sébastien Chatillon Calonne, janvier 2022